Les dernières semaines interrogent le sens et l’incarnation de la mission que la société assigne autour des jeunes handicapés et particulièrement les jeunes à troubles du comportement.
En effet, la plupart des jeunes ont été répartis sous la cloche du Service Résidentiel pour Jeunes ou hors de la cloche auprès de leur entourage à la mi-mars… dans un mouvement paniquant sans précédent dans le monde entier. À mesure des semaines, les connaissances sur le virus évoluent et les perspectives aussi… sauf pour les jeunes dans nos services.
Pour ceux qui sont restés sous une cloche hermétique, les 10 dernières semaines sont inchangées : pas de sortie, pas de visite avec ses proches, pas de retour, mais des contacts, plus ou moins de qualité, avec des supports de vidéoconférence jusque-là peu exploités.
Ils sont dans des conditions plus sévères que le reste de la société… sous l’argument de risques plus élevés en collectivité en termes de propagation. Mais quels sont les risques pour ces jeunes ? Compte tenu de leur âge ? Des données sur le virus ? Et en même temps, comment oser les exposer à des risques ? Qui prend cette responsabilité ? Et comment trouver des balises « équitables » mais qui pourraient en devenir « égalitaires » ? Alors que nous les savons depuis longtemps le fruit des inégalités de la vie, de la société et parfois de leur famille.
Pour les autres, rentrés en famille ou dans leur entourage « fiable », comment continuer à faire sens sur une prise en charge institutionnelle ? Alors que quelques semaines d’absence s’apparentent à certaines réalités de vacances d’été ou de moment particulier de leur vie. On en est à 10 semaines presqu’un trimestre et comment ça se passe ? Des suivis à domicile ont certainement été organisés avec des appels, du relais du travail scolaire éventuellement, mais comment refaire sens dans une prise en charge résidentielle pour laquelle on a estimé que la séparation du milieu de vie était nécessaire ?
Puis, il est y a ceux qui rentrent. En effet, l’entourage n’est pas équipé et le retour est critique, voire essentiel. Ils arrivent porteurs des droits de citoyen lambda et mettent la culture des « sous-cloche » en choc ! À nouveau, d’un droit commun, ils arrivent dans un système égalitaire et collectif : comment peuvent-ils ré-apprendre à vivre ensemble avec une expérience du virus bien différente et sans perspective de retour à leurs droits citoyens, à leurs proches, à leurs environnements habituels, comme aussi l’école ?
Et l’école, ce droit de chaque enfant, cette obligation jusqu’à 18 ans… Certains reçoivent un suivi régulier et conséquent, encore faut-il avoir les technologies appropriées pour y accéder et s’activer. Au-delà de ces considérations logistiques, encore faut-il un adulte compétent, disponible et qui peut aider l’enfant à oser se tromper, ne pas savoir sans que cela ne le fragilise encore plus dans sa soif d’apprendre et d’oser les expériences. Et cela ne résout pas encore la question de la socialisation, motif d’inscription de ces jeunes
Alors que le 18 mai certains enfants, dans les années charnières ou stratégiques, retournent pour la plupart pas. On pourrait se targuer du fait qu’en spécialisé, ce n’est pas grave car les apprentissages sont adaptés et au rythme de l’enfant et qu’après tout, que représentent quelques semaines d’école manquées ?
Et en même temps, nos jeunes avec un entourage parfois peu fourni, une histoire développementale carencée, sont encore une fois les premiers a qui le droit d’apprendreet pire encore, le droit d’apprendre à être en société, motif pour lequel ils sont déjà confiés à une institution, sont retirés !
Et là encore, on doit se dire qu’ils ont la chance pour certains d’avoir un SRJ. D’autres jeunes handicapés sont dans des milieux carencés, avec des parents déjà en difficulté avec rien ou éventuellement, une plateforme qui ne les aidera quand même pas à trouver une place, même « adaptée » dans la société.
Et donc, même si tout est compréhensible à ce stade, il faut se préparer pour la suite d’un marathon contre le coronavirus qui n’a fait que débuter… et se demander dans notre société, quelle est la mission donnée aux institutions scolaires, surtout spécialisées, et résidentielles pour accompagner le mineur handicapé ? Est-ce de le préparer à être l’usager d’une allocation ou d’un service pour adulte porteur de handicap ? ou bien le préparer à trouver une place, même avec des adaptations, comme citoyen dans la société de demain qui devra alors l’avoir traité comme tel dans ses expériences correctrices et accompagnement du monde sociétal ?
Le Groupement IMP 140
19.05.2020