Code Wallon, art 122 , Eloignement du milieu de vie par le TJ
Cet article n’engage que son auteur. Un débat nécessaire entre les IMP 140, la CFWBxl, le secteur de la santé mentale (K et F. K) et la Justice (Le TE). Comment construire de la « contenance » pour ces jeunes qui fleurissent dans ces champs et nous convoquent à la table de la concertation.
Avant d’être admis dans notre IMP 140, H. séjourne en hopital pédo-psychiatrique. Il y est arrivé après de nombreuses ruptures. Les troubles du comportement « externalisés » qu’il manifeste permettent de comprendre ces nombreux passages dans des services de la petite enfance, de l’AAJ …
Des parents sans domicile fixe. S’ajoute donc à son « CV » qu’il n’est domicilié nulle part. Une administration communale l’a rayé en même temps que sa mère qu’il rencontre occasionnellement dans un squat, accompagné d’un professionnel. Une administration communale peut rayer des listes des adultes qui deviennent ainsi SDF mais pas des enfants sans que l’on ne sache quelles personnes, avec quelle domiciliation l’acceptera ensuite. Cette erreur n’est pas anodine. Elle l’empêche d’avoir un engagement de prise en charge de l’AWIPH à cette époque. Sans la prise de responsabilité d’un responsable du secteur accueil et hébergement d’outrepasser la réglementation, il n’eut pu être accueilli dans notre service malgré les « gesticulations » du travailleur social désigné par le SPJ.
Dans ce contexte délicat, il est admis et manifeste progressivement un apaisement dans notre service. Les visites avec la famille sont aléatoires et nous regrettons un investissement tout aussi aléatoire des services AAJ, eux-mêmes en position inconfortable.
De ces rencontres, H. apprend qu’une demi-soeur à la suite de quelques fugues se retrouve sans autorisation chez son père. Dès cet instant, les troubles du comportement qu’H avait « utilisé » et dont il avait compris qu’ils étaient mobilisateurs, sont activés à nouveau. Notre empathie, l’augmentation de tentatives d’obtenir la collaboration des parents, trop hasardeuses, ne suffiront pas. Quelques passages à l’actes à risques nous amènent à solliciter une collaboration avec un hôpital pédo-psy.
Nous élargissons la table de la réunion clinique aux médecins spécialistes de secteur hospitalier, au personnel de l’AAJ. Un substitut, nous sentant désemparés accepte de s’associer à nos tentatives de décoder ces troubles.
Mais il va si loin que le magistrat coupe court et l’adresse à l’IPPJ section fermée. Nous nous y rendons régulièrement, notre table s’élargit donc. Une collaboration heureuse s’installe tout aussi utile pour l’IPPJ que pour les acteurs déjà associés.
Il quittera l’IPPJ au terme de la décison du magistrat et les travaux communs reprennent à cette table élargie. Il reprend place dans notre service. Une collaboration dont chacun mesura les bienfaits.
Article 122 Eloignement du milieu de vie
Lorsque le tribunal de la jeunesse décide d’éloigner le jeune de son milieu de vie, il envisage de le confier dans l’ordre de priorité suivant : 1° à un membre de sa famille ou à un de ses familiers ; 2° à un accueillant familial qui n’est ni un membre de sa famille ni un de ses familiers ; 3° à un établissement approprié en vue de son éducation ou de son traitement ; 4° à une institution publique. Le jeune ne peut être confié à une institution publique s’il souffre d’un handicap mental ou d’un trouble mental établi par un rapport médical circonstancié. L’hébergement en institution publique en régime ouvert est pri- vilégié par rapport à l’hébergement en institution publique en régime fermé. Conformément à l’article 111, une mesure d’éloignement du mi- lieu de vie peut être cumulée avec une mesure d’accompagnement ou de guidance.
A la mise en oeuvre de l’article 122 du Code Wallon voulu par le Ministre Madrane ce scénario ne sera plus possible.
Dans la construction décrite rapidement dans cette vignette, la capacité contenante s’élargit à la capcité contenante des partenaires et il est donc possible d’organiser le TENIR que réclame les troubles de l’attachement[1]que H manifeste intensément, et non sans risque. « Contenir » est accueillir en précisant : « Tu es le bienvenu avec toutes tes émotions » …mais elles sont peut être homicidaires et suicidaires. Annoncé l’accueil inconditionnel de cet engagement nécessite qu’on ôte des mains du jeunes H le bouton du siège éjectable dont il a tant « joué ».
Ce 4 ème alinéa de l’article 122, nous enlève cette construction de contenance dont nous sommes capables grâce à l’inter-institutionalisation de l’organisation du TENIR face à ces troubles de l’attachement. Nous sommes privés de cette coconstruction des secteurs de l’AAJ, du Handicap et de la Santé Mentale.
En 2006, à la demande du Conseil général de l’AWIPH, j’anime durant une année un groupe de travail « Jeunesse et transversalité », Commission qui travailla dans l’inter institutionalité. Un rapport fut remis à l’administration et repris plus tard par le Jardin Pour Tous Faîtier qui travaille ces approches.
Sa première recommandation évoque la nécessité que les dispositions prises en faveur des jeunes en difficultés soient toujours soumises aux cabinets, administrations… qui de près ou de loin participent à cette co-construction dans le but que les règles de l’un n’affectent pas les actions de l’autre.
Dix ans plus tard nous constatons qu’en cas de conflits les autorités, les auteurs de règles et de codes se replient stratégiquement dans leurs compétences spécifiques malgré la volonté de nous faire oeuvrer en inter-sectoriel.
C’est inefficace le plus souvent et cela semble dédaigneux à l’égard des services et personnes qui s’emploient au quotidien à élaborer des approches soignantes dans la transversalité des compétences. Cela mériterait la création d’une fonction garantissant par delà la durée des mandats politiques qui veille à ce qu’un cabinet n’entrave pas l’action de son voisin.
Nous souhaitons sensibiliser les Parlementaires Wallons qui ont avalisé ces dispositions sans interroger les personnes qui réussissent ces accueils que de trop nombreux jeunes mettent à l’épreuve de la cohérence des adultes et des institutions.
La mise en application de cette règle qui empêcherait des jeunes relevant du handicap et/ou de troubles de la santé mentale d’être pris en compte comme il se doit, chaque fois que c’est possible, les conduirait vers des formes de prises en compte appartenant au médico-légal. De ces choix décrétés il est à craindre une augmentaion d’interventions de type mise en observation. Une disposition qui augmente la marginalisation des jeunes. Une façon excluante de traiter ces jeunes en difficulté d’intégration sociale, scolaire…
Luc FOUARGE,
[1]P.N. RYGAARD – L’enfant abandonné. Guide de traitement des troubles de l’attachement. De Boeck 2005