Les états d’âme se mêlent à la conversation dans le travail psycho-médico-social. L’émotion prend place qu’on le veuille ou non. La relation d’aide et de soins psycho-sociaux s’exerce le plus souvent dans des services institués, en équipe. L’émotion pourrait bien devenir gênante dès lors qu’elle s’immisce dans la réunion clinique où les rationalisations règnent et mettent de la distance entre les participants, entre eux et le client.
Une bonne distance se mesurerait par la maîtrise émotionnelle du participant. Si cette maîtrise fait défaut on vous dira que vous êtes trop impliqué. L’émotion serait cécité.
Dire son émotion serait donc une forme de faiblesse, de fusion avec la personne aidée, de confusion donc.
Il faut donc taire son émotion. C’est en tout cas ce que semble véhiculer la professionnalisation de la relation d’aide. Il serait donc question d’aider la personne en souffrance « sans peine ».
L’état d’âme ne serait donc pas un signe pertinent d’une lecture clinique. Le travailleur social serait donc un eunuque émotionnel aux fins de ne pas contaminer la personne.
Le succès reposerait-il sur une forme d’hypocrisie imposée au nom de la défense du client ?
Cette croyance ne s’est elle pas installée dans les équipes en difficultés dans l’exercice de la tiercité qu’elle doit à son équipier ?
Une saine tiercité circulante dans l’équipe de travail exige de ses membres de se départir de la frilosité émotionnelle qui régit les rapports humains dans les équipes de travail. Elle accède à l’intime du travailleur psychosocial.
Il nous faut mesurer cette question à l’aune du concept de résonance. Cela s’impose à la profession comme la question du transfert. Cela va de soi, cela se déroule qu’on le veuille ou non. Et c’est bon signe pour autant que l’institution l’accepte et se donne du temps pour en faire la lecture.
Cette fonction soignante de l’institution sera déterminante dans le succès du service rendu. Un temps de travail aussi nécessaire que les gestes de désinfection auquel se livre les chirurgiens avant d’entrer en salle d’opération.
Il serait donc question de l’accueil réservé par l’institution à l’émotion de son employé qui porte en soi le soin qu’elle destine à son client par phénomène de cascade. Cette rencontre du travailleur social avec son équipe est donc un temps de travail comme le temps passé par le chirurgien dans le sas de désinfection.
Mais il ne suffit pas qu’il y ait réunion pour que ce processus de soin qui engage à se dire et à recevoir, qui engage à donner… il faut qu’il y ait une réelle rencontre menée par une équipe contenante où les concepts de don et de contre-don ont cours. Un accueil qui nécessite une formation ad hoc pour la personne qui en est en charge.
Une professionnalisation qui se heurte aux logiques gestionnaires qui menacent les institutions. « Plus, avec moins »… avec moins de réunions, avec moins de temps pour permettre à l’émotion d’apparaître dans l’exposé d’un cas.
Le contrôle émotionnel, pente naturelle sur laquelle dérape les professions du psycho-social trouve là un allié pour justifier qu’il faut laisser l’émotion au vestiaire. Et la logique gestionnaire rencontre et soutient la résistance à laisser voir ses émotions
Luc Fouarge